Denis Rolland, Amérique latine et relations internationales

Bibliographie, Histoire, Amérique latine, Relations culturelles internationales, Actualité. Historia de América latina y de las relaciones internacionales. Historia da America latina e das relaçoes internacionais. Latin American History, International Relations History.

La Crise du modèle français,

Marianne et l'Amérique latine: culture, politique et identité

                                             A crise do modelo francês

Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2000.        Brasilia, Editora Universidade de Brasilia, 2005.

                      

Durant tout le XIXe siècle, la France, définie comme un pays de culture, considérée comme mère spirituelle des nouveaux États latino-américains, est omniprésente dans le discours et l'ensemble de la sphère publique qu'elle contribue à structurer.
Au contraire, au XXe siècle, les représentations de la France s'affaiblissent et l'Amérique latine donne l'impression de changer progressivement de sphère culturelle, de larguer les amarres d'une Europe vieillissante ancrée dans un passé fastueux et hautain.
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Suplantada pelo Reino Unido, derrotada pela Rússia, desde 1870 a França cultivou, tanto no interior como no exterior, sua imagem cultural, alimentada pelas Luzes e pelas idéias da Revolução. De Georges Clemenceau a Charles de Gaulle ou François Miterrand, de Arthur Gobineau ou Paul Claudel a Roger Caillois ou Blaise Cendrars, os homens de Estado e de letras franceses constataram o esplendor político e cultural francês sobre a América Latina. de fato, durante o século XIX e uma parte do século XX, a referência à França surge muito frequentemente na América Latina, com sua carga de empréstimos, de reproduções, de adaptações. A França, definida como país de cultura por excelência, considerada mãe espiritual dos novos Estados latino-americanos, é onipresente nos discursos e no conjunto da esfera política que ela própria ajuda a estruturar.
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Apresentaçao da ediçao brasileira

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CRITIQUES

RHMC (Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine) 

Dans cet ouvrage, Denis Rolland analyse l’image de la France en Amérique latine et expose les modalités de son déclin progressif au XXe siècle à travers ce qu’il appelle « la crise du modèle français». Après avoir précisé la notion de «modèle», l’auteur montre comment l’Amérique latine s’est historiquement ancrée dans l’esprit des Lumières et s’est attachée aux principes énoncés par la Révolution française (rupture avec l’Ancien Régime, construction d’un modèle de république idéale fondée sur la modernité, adoption de la forme républicaine). Les indépendances (à l’exception du Brésil), la quête du suffrage universel et la diffusion du positivisme constituent des étapes importantes de ce processus qui culmine au début du XXe siècle dans les discours et dans l’ensemble de la sphère publique, mais aussi dans les façons de vivre la religion ou la laïcité, les mouvements littéraires et artistiques, la mode, les manières, la présence économique et financière de la France dans le sous-continent. Les élites latino-américaines n’hésitent pas à se rendre à Paris, qui devient un lieu de pèlerinage tandis que la France s’érige peu à peu en référence universelle.À partir de la Première Guerre mondiale s’affirme un lent processus de retrait de l’influence et des intérêts français en Amérique latine. La référence à la France perd de sa substance et le mot «modèle» devient moins pertinent. La guerre et l’entredeux-guerres en Europe, portent atteinte aux représentations, en même temps qu’à la puissance économique de l’Europe en Amérique latine. Parallèlement, les États-Unis s’affirment avec l’inauguration du canal de Panama le 15 août 1910, mais aussi une première étape du phénomène d’américanisation en France (cinéma, musique) et l’extension de leur puissance militaire d’une dimension continentale à une dimension mondiale. L’Europe, qui « dictait le droit », peine de plus en plus à gérer ses conflits autrement que par des voies militaires, ce qui est perçu comme un échec. En particulier, même si elle se termine par la victoire de la France et de ses Alliés, la Guerre de 14-18 se traduit par un échec lié à sa durée, au fait que son issue a été largement obtenue grâce à une intervention extra-européenne et que la culture politique française n’a pas pu s’imposer.

Au lendemain de la guerre, les États-Unis prennent donc peu à peu place aux côtés de l’Europe pour former les armées latino-américaines (missions navales, aéronautiques…), tandis que l’affaiblissement de la présence économique française est progressivement compensée par les investissements nord-américains (entre 1919 et 1929, ceux-ci s’élèvent de 125%). Ce recul relatif des positions françaises entraîne la disparition de points de contacts entre élites économiques et politiques latino-américaines et françaises, nettement perceptible au niveau des échanges commerciaux, mais aussi à travers une perte de rayonnement de Paris comme destination de voyage des élites latino-américaines. L’auteur analyse ainsi plusieurs domaines dans lesquels la perte d’influence de la France est significative : la langue, le cinéma, la radio… Parallèlement, l’affirmation de la « doctrine Monroe» puis de la « politique de bon voisinage » contribuent à asseoir la position américaine aux plans commercial, financier, bancaire, diplomatique, culturel. À cela vient s’ajouter enfin la montée des périls en Europe, qui ne milite pas dans le sens d’une inversion des tendances en cours. Les régimes anti-démocratiques mis en place en Europe par Salazar, Mussolini puis Franco, constituent des modèles alternatifs pour nombre de mouvements politiques développés en Amérique latine, dans les années 1930, en Argentine, comme au Chili ou au Brésil (avec « l’intégralisme »).

L’auteur consacre ensuite une longue analyse à la crise de la représentation française entre 1940 et 1944, après la défaite, puis l’Occupation, avec l’affirmation de deux « France » opposées, celle de Vichy et celle de la France libre. Dans cette période, les relations avec les États-Unis prennent une importance encore jamais connue auparavant. Le développement économique aidant, la nécessité pour l’Amérique latine de trouver des fournisseurs, des investisseurs et des marchés consommateurs va l’amener à développer des relations plus intenses avec les États-Unis, à un moment où la France se trouve dans l’impossibilité de répondre à ses demandes. Dans l’ensemble, le régime de Vichy est perçu comme « le fruit de la conjoncture », le « gestionnaire d’une situation provisoire et le produit circonstanciel d’une défaite », « un vaincu devenu affidé de l’Allemagne ». Il n’incarne pas un modèle individualisé. Les élites latino-américaines, sauf exception, manifestent un solide attachement sentimental à une France qui ne peut être que celle des Lumières. L’issue de la guerre va d’ailleurs réduire à l’échelle d’accident conjoncturel l’impact de la perception de Vichy. En outre, purement national, le nouveau modèle proposé ne s’inscrit pas dans une politique extérieure lointaine dynamique. À l’étranger, celle-ci ne contribue donc pas à la formation d’une image nationale nouvelle. Néanmoins, la renonciation brutale du gouvernement de Vichy aux valeurs répu
blicaines introduit la seule rupture notable dans l’histoire du modèle français au XXe siècle : jointe à la défaite et à l’Occupation, elle induit la crise des représentations la plus grave après une période durable et homogène d’affaiblissement du modèle. La France Libre s’inscrit au contraire dans une continuité par rapport à l’image traditionnelle de la France en Amérique latine, et les manifestations de solidarité à la Libération traduisent l’attachement des pays d’Amérique latine au modèle des Lumières. Cependant, même si les liens avec l’Amérique latine reprennent de la vigueur, les pays du sous-continent se préoccupent d’abord de leur principal partenaire : les États-Unis. De son côté, la France libérée voit s’amplifier le phénomène d’américanisation, et est économiquement et politiquement happée par des préoccupations très hexagonales qui l’éloignent à nouveau du monde latin. L’après-guerre, économiquement au moins, ne rapproche pas l’Amérique latine d’une Europe exsangue et à reconstruire.

Enfin, l’Amérique latine est devenue depuis le milieu du XXe siècle, un creuset d’élaboration d’éléments de modèles, dont certains s’exportent vers l’Europe traduisant une inversion du sens du transfert. Parmi les éléments les plus visibles, on peut mentionner la littérature, qui s’incarne dans un courant propre, la prise de pouvoir de Castro à Cuba, qui constitue une référence forte des courants révolutionnaires européens, la théologie de la libération, les théories du développement (courants de la «dépendance»).

Jacky BUFFET, RHMC, 49-4, 2002-4 

Le Monde, Le Monde des livres 2-02-2002 JOSE EMILIO BURUCUA / Roger Chartier

Denis Rolland analyse, de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, les causes du déclin du rayonnement politico-culturel français dans les pays latino-américains. Un exercice de lucidité

... (texte complet en téléchargement)

Site Irenees.com: texte complet

... Quels sont les intérêts d’un tel ouvrage ? Ils sont de plusieurs ordres. Dans une approche thématique ce livre prend toute sa mesure. Il définit des problématiques qui peuvent être les axes d’une étude des relations entre l’Amérique latine et la France au XXe siècle, même s’il néglige d’autres types de relations (commerciales, diplomatiques, etc.) qui ne relèvent pas directement de son sujet. Ces problématiques peuvent orienter une réflexion sur la diplomatie culturelle ou sur la construction des identités, autant dans le cas des pays d’Amérique latine que de la France. Enfin, elles peuvent contribuer à l’étude de la conception des modèles nationaux à vocation universelle, notamment le modèle français. ...

 FNAC.com

Les intellectuels latino-américains sauront gré à Denis Rolland de leur proposer des données, des textes et des interprétations qui viennent confirmer leurs propres intuitions mais en les transformant en des connaissances solidement fondées. Aux opinions spontanées, aux nostalgies idéologiques, il substitue un savoir sûr, à la fois historique et sociologique. Un tel déplacement ne devrait pas rester sans effet pour que, à l'avenir, les relations économiques et culturelles entre la France et l'Amérique latine soient mieux conscientes de leur histoire et, de ce fait, plus dynamiques et inventives. Denis Rolland analyse avec précision les avatars des images et représentations de la France qui constituèrent, entre la mi-XIXe siècle et 1945, un modèle politico-culturel comme un idéal de civilisation pour les élites du sous-continent américain. Celles-ci considérèrent ce modèle et cet idéal comme des références obligées pour tous les projets de réforme étatique des nations latines du Nouveau Monde. Comme l'indique son titre, l'ouvrage se veut avant tout une étude de la "crise" qui a ébranlé dans la première moitié du XXe siècle cette influence culturelle et politique de la France en Amérique latine. Mais c'est également un travail documenté et original sur l'avant, c'est-à-dire le temps de l'hégémonie du modèle français, entre les années 1880 et la Première guerre mondiale ... Informé et rigoureux, ce livre aidera, de part et d'autre de l'Atlantique, à un déchiffrement plus exact des héritages et des incertitudes du présent. Il contribuera à considérer avec une plus grande lucidité la relation, jamais brisée et toujours forte, entre la culture française et les nations de l'Amérique latine.






Dernière modification le 07/09/2010

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