En 1964, le coup d’Etat militaire au Brésil marque la fin de l’expérience réformiste de gauche et une première vague d’exils : celles des hommes politiques exclus du pouvoir, à commencer par le Président déchu João Goulart. Le durcissement de l’état d’exception, la mise en place de l’Acte Institutionnel n°5 en 1968 et une répression accrue, avec en miroir l’essor des guérillas, marquent un deuxième temps de l’exil. Après le coup d’Etat de 1973 à Santiago, les Brésiliens réfugiés au cœur de l’expérience socialiste chilienne doivent trouver une nouvelle patrie d’accueil : troisième vague. La décrue n’intervient qu’aux alentours de 1979 (amnistie), bien avant la restauration de la démocratie (en 1985).

La France est un pays d’accueil important de cet exil. Les élites latino-américaines ont conservé du XIX^e siècle un certain tropisme francophile. Après la Révolution républicaine de 1889 à Rio au son de la Marseillaise, l’empereur Dom Pedro II s’est exilé en France… En 1964, l’exil brésilien politiquement « traditionnel » (politiciens réformistes, de milieux socialement aisés, disposant de réseaux de solidarité) ne pose pas beaucoup de problèmes : sauf qu’on est en climat de Guerre froide et qu’aux yeux du ministère de l’Intérieur, il ne fait pas bon être jugé « communiste » ; sauf que le général de Gaulle avait déjà prévu un grand voyage en Amérique latine devant passer par le Brésil et que ces exilés ne doivent pas gêner les relations entre Etats… Lorsque la violence politique s’accroit au Brésil et que le nombre de réfugiés augmente, brassant plus de classes moyennes et d’individus mêlés à la lutte armée, les problèmes politiques, sociaux et économiques de l’« accueil » changent de nature : que faire des « terroristes » ? Comment aider des victimes de la torture ? Comment aider une quantité beaucoup plus importante de réfugiés démunis ? Comment maintenir les liens économiques avec le « miracle brésilien » tout en ne cautionnant pas une violence d’Etat manifeste ? Quelles sont les collaborations entre Etats à propos des exilés ? Quelles mutations politiques, idéologiques, culturelles provoquent chez les exilés brésiliens le passage par la France ?

Cet ouvrage tente de répondre à ces questions et à bien d’autres, à partir de sources brésiliennes et françaises - autant d’interrogations essentielles pour l’histoire d’un pays, le Brésil, qui n’a pas achevé son aggiornamento mémoriel pour ces années de dictature, mais aussi pour l’histoire de la France dont la politique et les structures d’accueil, les réseaux politiques et sociaux sont ici revisités.

 Coordinateurs :Idelette Muzart Fonseca dos Santos est professeur à l’Université de Paris-X Nanterre, coordinatrice du Centre de recherches interdisciplinaires sur le monde lusophone (CRILUS).Denis Rolland, membre de l’Institut Universitaire de France, est professeur à l’Université de Strasbourg (Institut d’Etudes Politiques), directeur du groupe de recherche Frontières, Acteurs et Représentations de l’Europe (FARE) et directeur d’études à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. 

Auteurs : Daniel Aarão Reis Filho, Mauricio Cardoso, Maud Chirio, Adriana Coelho Florent, José Carlos Janela Antunes, Joana Maria Pedro, Sylvia Nemer, Mônica Raisa Schpun, Marcelo Ridenti, Helenice Rodrigues da Silva, Denis Rolland, Denise Rollemberg, Catarina Sant’Ana, Cláudio Antônio Santos Monteiro, Cristina Scheibe Wolff, Régis Tettamanzi, Ana Vasquez, Samantha Viz Quadrat, Angela Xavier de Brito.

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